Quête de devenir...

Publié le par Eko

 

Quête de devenir...

Par S.TRAHARD Avril 2010

Souvent, les individus croient à tord qu'il existe une "recette miraculeuse" du bonheur, qu'elle soit matérielle, idéale, se conformant à des fantasmes utopiques. Cependant, il est important de comprendre qu'il n'existe pas à proprement parler d'étapes de transitions au bien être, ni de cap à franchir absolument pour être capable de vivre pleinement sa propre vie.

Malgré le fait que les hommes reconnaissent en général ce fait, ils ont souvent tendance à s'enfermer dans un certain "schéma social idéal", comme par exemple être en couple, avoir des enfants, une famille soudée, un entourage amical, une certaine aisance fiancière ou encore des loisirs etc... Ces shémas sociaux sont bien entendus à modérer selon les cultures, les croyances sociales etc.. propres à chaque individu, cependant il est important de constater que l'on retrouve toujours ce type de fondements dans les "shémas sociaux" de nombreux individus.

On peut noter que lorsque la douleur ou la souffrance surgissent dans la vie d'un individu, on observe chez les personnes demandeuses d'aide un ancrage important et de plus en plus aïgu à ce type de "schéma social idéalisé", on voit alors se mettre en avant un désir plus ou moins important de tendre vers cette forme "d'idéal social" qui est fantasmé. Les individus souhaiteraient dans l'absolu pouvoir trouver un schéma social basé sur leur bonheur et dans lequel il seraient en état de quiétude totale, une sorte de vision de la vie appaisante, une vie idéale où tous les problèmes trouveraient leurs solutions d'eux mêmes.

Souvent, on observe également que les être humains tentent à tord et aux prix d'une souffrance encore plus grande de plaquer leurs désirs sur une sorte de "conformité sociale". Ici, ils recherchent 2 types de satisfactions inconscientes détournées, en premier lieu on a la recherche d'une "solution miracle" qui serait donnée par une sorte de "formule magique" dispensée par un élément extérieur (par exemple l'icone sociale idéalisée du bonheur). En second lieu, on voit se construire progressivement chez ces individus une sorte de résistance, de blocage, ou encore un désir accru de non conscience ou de non visibilité de son trouble psychologique.(au travers d'une fièrté déplacée, d'orgueil et de dénis agressifs répétés)

En effet, ces être humains pensent qu'en donnant l'apparence d'un certain "équilibre social" ils seront reconnus par leur pairs, ils donneront à leur entourage l'image d'une certaine stabilité, d'une certaine réussite. Mais il est primordial de souligner ici combien cette manière de concevoir les choses pénalise notre développement personnel de manière tragique. En effet, l'être humain semble être constitué de sorte qu'il soit extrêment sensible au regard de l'autre, et c'est la raison pour laquelle le fait de chercher à éviter les jugements négatifs des autres est important pour eux, ils font ainsi l'économie d'une "souffrance" soupçonnée par l'autre.

Par exemple, on pourrait entendre ce type de discours chez certains "J'en ai assez de montrer constament des sourires faux aux autres, de faire semblant que tout va bien pour moi alors qu'au fond ce n'est pas le cas, ma vie de couple est un enfer, j'ai peur de leur réaction, de leur jugements et de mes réactions. Au travail, personne ne se doute de rien, ni même dans mon cercle "d'amis" ou dans ma famille. Mais c'est plus fort que moi, je ne veux pas leur montrer ni leur en parler alors je fait semblant et je me persuade que je suis heureux." Ce type de discours éclaire bien la réalité d'un paradoxe perçu par le ou la patiente, en quelques sortes on pourrait dire qu'à la souffrance personnelle viendrait s'ajouter la peur d'une souffrance sociale: celle de ne surtout pas montrer, de ne pas pleurer, surtout ne pas faire aveu de faiblesse, de montrer à l'autre que nous ne pouvons pas faire face, hélas il en est ainsi, dans le grand théâtre de la vie personne ne désire qu'on le considère comme un faible ni ne veut endosser le rôle de l'exclu.

La "recette magique" dont je parlais précédemment n'existe clairement pas, elle est purement de l'ordre de l'utopie, du mythe, et on a pu constater combien elle pouvait se révéler parfois la source d'un danger psychique, d'une souffrance encore plus grande pour celui qui aurait voulu être aidé. Pourtant, cette conception persiste, s'ancre, se grave dans des modes de pensée rigides, et de nombreux êtres humains s'improvisent aujourd'hui apprentis alchimistes et cherchent la "pierre philosophale" qui pourrait transformer le plomb de leur vie en or.

Mon travail consiste entre autre à faire "sortir" les patients de ce "mythe utopique" concernant le bonheur, et de les amener patiemment à réfléchir, à méditer sur la sagesse de l'exemple contenu dans ces citations : "Le grand obstacle au bonheur, c'est de s'attendre à un trop grand bonheur" Bernard fontenelle - "Du moment que le bonheur, c'est de vivre, on doit le trouver aussi bien dans la douleur que dans le plaisir et parfois même jusque dans l'ennui." Marcel Jouhandeau - " Le bonheur, on ne le trouve pas, on le fait. Le bonheur ne dépends pas de ce qui nous manque, mais de la façon dont nous nous servons de ce que nous avons." Arnaud desjardins.-

Ce qui est souligné dans ces citations elle la non nécéssité, la vacuité d'une telle recherche d'un bonheur idéal, d'un idéal social qui n'existerait qu'en dehors de soi, ailleurs, chez quelqu'un ou quelque part où les solutions existent.

Il est important de ne pas oublier que chaque parcours est de vie est unique, inclu dans un une somme de caractéristiques sociales, culturelles etc. qui sont uniques elles aussi dans leur combinaison. Comment alors pourrions nous pensez que les solutions se trouvent en dehors d'une construction personnelle ? Le meilleur moyen de l'élaborer ne peut bien sûr que passer par l'exploration pour le patient (par le thérapeute) et par le patient de son monde, de ses émotions, de ses sentiments, de ses désirs, de ses besoins, de ses réalisations de vie espérées ou effectives.

Au quotidien au delà d'un travail engagé avec un psychothérapeute, il est important pour les patients de faire preuve d'affirmation de soi, d'autodétermination et de prise de recul. L'expression personnelle de chaque individu passe en priorité par un questionnement autour de ce que les patients souhaitent communiquer d'eux mêmes aux autres, mais également de ce qu'ils souhaitent comprendre dans leur modalités sociales et relationnelles.

Dans une quête de devenir ou dans la résolution d'une souffrance, l'individu ne peut pas faire l'économie de cette remise en cause et de ce travail analytique quand c'est la source des difficultés qu'il rencontre.

Souhaiter une bonne expression personnelle, un développement harmonieux, nécessite  essentiellement de questionner la place que nous occuppons au contact des autres. Sommes nous ce que nous voulons paraître, ou bien sommes nous vraiment ce que nous voudrions devenir ?

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Publié dans Pensées

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